Montage parallèle ou alterné?

Bienvenue à GATACA d’Andrew Niccol et Les Temps modernes de Charlie Chaplin nous donnent l’occasion d’évoquer la différence entre montage parallèle et montage alterné. Au delà de l’aspect purement « technique », l’intérêt est aussi et surtout de découvrir le « pourquoi » d’un tel choix de mise en scène et son effet sur nos jeunes spectateurs.

Extrait 1 :

Deux portes pour Vincent : l’une est fermée et l’autre ouverte. Elles placent le héros dans un carrefour de sa vie : soit il se heurte à la porte fermée et abandonne ses rêves, soit il s’avance vers celle ouverte et plonge dans l’inconnu de son futur, comme un cordon ombilical le menant vers une renaissance. Pour Jérôme, le passage de porte est complètement mortifère. L’utilisation du montage parallèle permet, ici, de créer un lien quasi fusionnel entre les deux personnages. Un montage parallèle sous fond de combustion chimique qui permet à l’un de se transformer définitivement en l’autre, tout comme l’argent de la médaille en or. Le montage parallèle associe deux plans sans simultanéité temporelle. Il met en rapport deux situations différentes pour produire par leur parallélisme un effet de comparaison : les plans se font échos via une résonance relevant du discours ou de la métaphore.  C’est donc l’association des plans qui crée du sens. Le cinéma muet utilise le montage parallèle pour une comparaison visuelle à effets symboliques. Le cinéma parlant préfère l’utiliser pour comparer le vrai et le faux, le présent et le passé à des fins dramatiques. Les temps modernes de Chaplin débutent ainsi sur un plan de troupeau de moutons, suivi d’ouvriers émergeant en masse d’une bouche de métro pour se rendre à l’usine. Le fondu enchainé qui relie les deux plans assume la fonction du « tels sont » : Des moutons, « tels sont » les ouvriers qui se rendent à l’usine.

Extrait 2 :

Anton, le frère de Vincent, est en route pour rencontrer Jérôme qui doit par tous les moyens dissimuler sa paraplégie. Problème? Jérôme se trouve en bas de l’escalier qui donne sur la porte d’entrée. Il doit donc se jeter à terre et gravir les marches à la seule force de ses bras alors qu’Anton se déplace en voiture… Il s’agit ici d’agencer des images qui entretiennent un rapport très étroit dans l’histoire, des images qui vont provoquer une action précise, imminente, puis de retarder cette action, de dilater le temps jusqu’à son actualisation, de laisser ainsi le suspense s’installer. Le montage alterné de deux lieux différents est très efficace de ce point de vue.

Dans L’Inconnu du Nord-Express d’Alfred Hitchcock, Guy doit terminer son match de tennis pour se soustraire à la surveillance de la police et intercepter Bruno, le véritable criminel, parti déposer une fausse preuve pour le faire accuser : un briquet. Le match de Guy dure plus longtemps que prévu, l’interception est donc retardée, ce qui angoisse le personnage et le spectateur, mais Bruno lui aussi connaît quelques mésaventures qui rallongent la durée de son parcours et nous donnent encore un peu d’espoir (espoir qui nous empêche d’accepter l’inacceptable). Le montage alterné met les deux parcours en relation directe, accentuant de façon très nette la tension dramatique, le suspense, qui émane de l’ensemble. Notons au passage que c’est déjà un montage alterné qui avait permis au début du film de mettre en scène la rencontre des deux personnages : sorte de hasard devenu destin…