Le Dutch Angle

Dans la plupart des prises de vue, la valeur de cadre filmée par la caméra est « de niveau » avec celui du sol. Si l’on oriente le grand axe de la caméra vers le bas ou vers le haut, on obtient respectivement un cadre en plongé ou en contre-plongée. Si l’on oriente le petit axe de la caméra de travers, on obtient des cadres « débullés », où la « bulle » d’un niveau à eau n’indique plus l’horizontalité.

 

– Petite histoire du Dutch Angle :

Le Dutch Angle est une figure de style caractéristique de l’expressionnisme allemand. Il participe à l’effet recherché dans le traitement des décors ou des personnages torturés.

Durant la même période, le documentaire de cinéma expérimental de 1929 de Dziga Vertov, L’Homme à la caméra, contient lui aussi des plans « cassés », notamment le passage d’un train à toute vitesse.

Actuellement, le Dutch Angle est toujours abondamment utilisé notamment chez Tim Burton, Sam Raimi, Terry Gilliam.

 

– Dutch angle justifié :

Il est souvent donné avant qu’il ne soit justifié par la position du personnage regardant (vue subjective).

Ex : Les enchaînés (Hitchcock, 1946) :

Cary Grant apparait dans un cadre débullé. Il s’agit en fait d’une vue subjective d’Ingrid Bergman, fortement alcoolisée, la tête à l’envers …

 

– Dutch angle inquiétant/dérangeant :

Dans Le troisième homme (1949), Carol Reed utilise systématiquement des plans débullés sans justification par un regard. Ils servent à exprimer le malaise qui règne dans le Vienne de l’après-guerre.

Dans A l’est d’Eden (1954), Elia Kazan justifie d’abord le Dutch Angle par le mouvement de la balançoire. Le père et le fils, chacun avec leur déséquilibre, n’arrivent pas à se parler. Lorsque la tension est à son comble, le Dutch Angle n’est plus justifié : il participe à l’abattement du père par les mots de son fils.

 

– Dutch angle artistique :

Enfin, il peut constituer un artifice destiné à faire « rentrer le décor dans le cadre » : difficile de faire tenir un building dans un cadre « rectangle » en format cinémascope. On parlera donc ici d’une utilisation plus « pratique » et en même temps stylisée.

Attention toutefois de ne pas en abuser : dans le milieu du cinéma, il est coutume de dire que plus un film contient de Dutch Angle, plus il est mauvais. La meilleure illustration est sans aucun doute le film « Battlefield earth » de Roger Christian (2000) adapté de la trilogie du scientologue L. Ron Hubbard.